abasourdi

Prononce-t-on [abazuʁdi] (« a-ba-zour-di ») ou [abasuʁdi] (« a-ba-sour-di ») ? Les deux ! Ou, plus précisément, la prononciation de ce mot a changé, basculant de la première vers la seconde, entre le milieu du XIX^e et la fin du XX^e siècle.

À l’origine, seule la prononciation avec [z] existait. Ce mot, apparu dans les années 1630, a été formé à partir du mot d’argot basourdir signifiant « tuer », qui se prononçait lui aussi avec [z]. Cependant, dans son dictionnaire (1873), Littré note qu’à côté de la prononciation avec [z], « d’autres disent a-ba-sour-dir ». Cette nouvelle prononciation pourrait s’expliquer par une analogie avec le mot sourd, étant donné que abasourdi a obtenu un nouveau sens par la même analogie, « rendu sourd par un grand bruit », à la fin du XVIII^e siècle.

À partir de là, les deux prononciations coexistent mais celle avec [s] est longtemps considérée comme fautive. Aujourd’hui, d’après des enquêtes sur la prononciation, [abasuʁdi] avec [s] a très clairement pris le dessus, et la prononciation avec [z] est devenue rare. C’est cependant toujours la seule prononciation proposée par certains dictionnaires, et elle est toujours considérée comme la seule correcte par la minorité qui l’emploie.

Avec l’évolution du mot abasourdi, nous avons affaire à un cas de changement de prononciation, avec ses phases typiques : analogie avec un autre mot qui initie le changement, cohabitation de deux variantes pendant une longue période, résistance au changement de la part des personnes qui connaissent la prononciation d’origine et souhaitent la conserver, voire la restaurer.