Quelle est l’origine du mot nègre ?
Le mot français nègre, dont le sens a été très stable dans le temps, a subi d’importants changements d’usage et de connotation. Une histoire de mot assez spéciale.
Ce mot a été adapté de l’espagnol negro, qui correspond à l’adjectif noir, mais qui désignait déjà dans cette langue une personne à la peau noire. Le mot espagnol provient du latin niger, nigrum, « noir ».
Évolution de sens de nègre en français
Quand il est apparu en français au XVIe siècle, dans un récit de voyage, le mot nègre désignait une personne à la peau noire. Quelque temps plus tard, à l’époque de la colonisation, il a aussi désigné un esclave noir.
Plusieurs expressions font ressortir des stéréotypes de cette époque : travailler comme un nègre, traiter quelqu’un comme un nègre, parler petit-nègre. Le mot nègre relève dès lors du vocabulaire d’une idéologie pseudo-scientifique qui est au fondement du racisme moderne, et qui postule qu’il existe des races dans l’espèce humaine et une hiérarchie entre elles.
Le mot nègre obtient dès le milieu du XVIIIe siècle un sens qui a subsisté jusqu’au tournant du XXIe siècle, celui de « personne qui rédige un texte, un ouvrage, pour le compte de quelqu’un d’autre qui le signe ».
Remplacement du terme, réappropriation et censure
Cependant au cours du XXe siècle, le racisme scientifique connaît une phase de déclin. Dans le langage, ce déclin est marqué par le remplacement progressif du terme nègre par le mot Noir, pour désigner une personne à la peau noire. En termes de fréquence, le point de bascule entre les deux mots se situe pendant la Seconde Guerre mondiale.
Sous l’influence de l’anglo-américain, après la guerre et surtout à la fin de la ségrégation raciale aux USA, le mot français nègre se charge d’une connotation extrêmement injurieuse. Petit à petit, son emploi finit par devenir inacceptable.
En parallèle, des écrivains comme Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor se réapproprient le mot nègre et le revendiquent, fondant un courant politico-littéraire baptisé négritude.
Au XXIe siècle, en dehors de son emploi raciste et violent ou de sa reprise par les tenants de la négritude, le mot nègre est quasiment banni des usages, notamment sous l’effet de la cancel culture.
Remplacé dans les discours par l’euphémisme n-word (ou par prête-plume, pour désigner le rédacteur d’un texte signé par un autre), il disparaît par exemple dans le titre du chef-d’œuvre d’Agatha Christie, Dix Petits Nègres, rebaptisé par son éditeur Ils étaient dix.