L’arbre étymologique de l’étymon grec phaínein
Les mots ont une histoire fascinante… Leur évolution fait parfois changer leur forme et leur sens à tel point que deux mots peuvent avoir une origine commune sans que l’on s’en doute ! Nous retraçons ici l’histoire de la grande famille de mots qui remontent au verbe grec phaínein, et même plus loin encore.
Phaínein dans le sens « se montrer, apparaître »
Le verbe phaínein a de nombreux sens en grec, qui tournent tous autour de la notion d’apparition. Ses divers sens ont permis le développement de différents mots et dessinent les branches de cet arbre étymologique.
Une première branche évoque l’idée de vision, de choses qui apparaissent et se montrent à la vue. On y trouve les mots épiphanie et phénomène par exemple. Mais cette notion de vision peut être associée à celle d’illusion et d’imagination. Cela ouvre le champ aux fantômes et aux fantasmes, mais aussi à la fantaisie et au fantastique.
Sur une autre branche, on retrouve l’idée d’apparence. Du verbe dérive le nom phasis qui désigne en astronomie les différentes phases de la Lune. Son emploi s’élargit ensuite et le mot aboutit au français phase. D’autre part, l’ajout d’un préfixe crée le nom emphasis qui désigne le fait de faire voir clairement, d’expliquer, de démontrer.
De là, ce nom désigne également une figure de rhétorique qui consiste à utiliser des mots puissants pour faire comprendre efficacement une idée, et c’est en ce sens qu’il passe en français sous la forme emphase, avant de désigner un procédé de mise en valeur soit à l’oral par un ton (abusivement) déclamatoire, soit à l’écrit par un changement typographique.
Phaínein a aussi le sens de « briller » ; son dérivé phỗs, phôtós, signifiant « lumière », ouvre donc une branche autour de cette notion. Tous les mots composés avec l’élément photo- (photographie, photocopie, photosensible, etc.) y figurent à côté de phosphorescent (phỗs + le suffixe -phoros dérivé de pherein, « porter »), ainsi que tous les mots techniques construits autour de phén (bisphénol, phényle, etc.).
Phaínein dans le sens « être annoncé »
Un autre sens de ce verbe est « faire connaître (notamment par la parole) ». Ce qui le rapproche énormément d’un autre verbe grec, phánai (« dire ») qui a d’ailleurs la même origine puisque ces deux verbes remontent à la même racine indo-européenne bha / bhe (« éclairer », à la fois dans le sens « briller » et dans le sens « expliquer, parler »).
Le verbe phánai a donné certains mots français comme blasphème mais aussi euphémisme ou prophète. Mais c’est surtout son évolution en latin, fari, qui a été prolifique.
En effet, le supin de fari, fatum, a donné fatalité mais aussi fée. Quant à son participe présent, fans, il est à l’origine du mot enfance. D’autre part, le verbe a donné le nom fabula, « conversation », dont nous viennent les mots fable et fabuleux.